Si seulement cette nouvelle de Tchekhov avait été plus longue…
C’est un voyage à travers les steppes d’Ukraine, à un temps où l’influence polonaise est encore forte. Ceci est un élément parmi d’autres de la riche composition de cette région à la croisée des chemins européens.
Dans la solitude de la steppe, une église n’est jamais loin, et les personnages fascinants non plus : des bergers semblant tout droit sortis de l’Ancien Testament, une femme chantant dans une Isba, avide de vie, des russes qui aiment à se remémorer mais sans aimer la vie. Leur passé est glorieux, mais le présent est terne pour eux : le progrès a rendu la vie plus éprouvante.
La vie réelle est si terrifiante et si fantastique que l’homme russe ne doute jamais de la véracité d’un récit d’aventures, pour effrayant qu’il soit et truffé de brigands, de coutelas et d’invraisemblances.
Tchekhov nous livre toute la beauté de la steppe. A lecture de l’oeuvre de Tchekhov, on inhale les respire profondément et voit la steppe : le ciel semble plus haut dans la steppe parce qu’il n’y a pas d’arbres, à l’exception de quelques peupliers, et il n’y a de meilleur lieu que la steppe pour admirer l’immensité du ciel.
et si on scrute longuement le lointain mystérieux, on y voit se dresser et se chevaucher des silhouettes vaporeuses et fantasques, un peu effrayantes. Si on lève les yeux vers le ciel vert pâle constellé d’étoiles, pur de tout nuage et de la moindre tache, on comprend pourquoi l’air tiède est immobile, pourquoi la nature toute entière est aux aguets et craint de bouger : elle est figée de peur et ne voudrait pas perdre un seul instant de vie. La profondeur insondable et l’immensité infinie du ciel ne sont nulle part aussi sensibles qu’en mer ou dans la steppe au clair de lune.
On se détache de sa propre existence, qui devient dénuée d’espoir et sans doute absurde aussi si on fixe trop longuement le ciel de la steppe. La vie n’est jamais plus la même après un voyage à travers la steppe. Mais qui s’aventure vraiment à travers la steppe ? Des hommes comme Constantin Zvonyk, de Rovnoïe. Des hommes don’t l’être aimé est loin. Ou des hommes privés d’amour. La beauté de la steppe n’est pas une maigre consolation.